UN PETIT COIN DE PARADIS –


UN PETIT COIN DE PARADIS

(Introduction)

 

Ces 10 km me paraissaient interminables.

J’avais traversé une rangée de peu de maisons.  Les bergeries s’étaient vidées de leurs moutons ; je les voyais, la-bas, dans un pâturage bordant la route.  Ils étaient par groupe, broutaient une herbe rare, jaunie par les rayons d’un soleil trop généreux.  Un berger, la peau tannée, à l’automne de sa vie, surveillait son petit monde, secondé par un labri noir aux poils longs et bouclés courant à la manière d’un ours, vers une brebis éloignée du troupeau.

Plus loin, une décharge fumante polluait l’air et la rivière qu’un pont surplombait.  Dans l’eau, que l’alios colorait d’un brun rougeâtre, des enfants s’y baignaient et d’autres y pêchaient.

A la droite du pont, une dernière maison aménagée en pizzeria avait son petit succès en été.

A gauche, se trouvait une habitation faite de briques et de bois, aux annexes branlantes, entourée d’ objets et matériaux hétéroclites vraisemblablement récupérés à la décharge ;  pour parvenir à son  grillage orné d’une pancarte vantant le bon fromage de chèvre , il fallait traverser un  pré où poules, canards, chèvres et bouc étaient en liberté ; un cheval nain à la robe bais, crinière retombant sur les flancs et la queue balayant la poussière, remplissait son rôle de surveillant et n’hésitait pas, si l’occasion s’en présentait, à ruer.

A partir de là, la route droite devenait chemin sinueux épousant étroitement la forêt de pins tordus qu’il traversait.  Il aurait pu être emprunté par des pèlerins de Jean  de Compostelle, mais lui ne menait qu’aux dunes et par de là à l’océan.  Juste avant qu’il ne devienne sentier, on avait dévié son tracé, il prenait une allure moins sauvage et un asphalte remis à neuf amenait le voyageur vers un petit paradis perdu dans un pli du bois côtoyant le sable parsemé d’immortelles odorantes et où un vent d’ouest emportait vers le promeneur le chant de la houle des vagues.

Ce trajet, mon cœur le connaît bien, il m’est devenu familier au cours de ces années.  A ce jour de juin 2016, 29 ans, déjà, se sont écoulés depuis mon premier séjour.

 

                                               *   *   *

Avec l’année finissante arrivaient les fêtes et la joie de les célébrer en famille,  là-bas non loin de mon coin privilégié.

Aller à la rencontre du vent, monter cette dune sans caillebotis parsemée de branchages coupés.  Voilà ce que, par un jour froid, je fis.

Ma solitude apaisée, mes pas retrouvaient  les sillons de la vague descendante, et j’y suivais ses traces ondulantes  sur le sol humide.  Au gré de mon envie, je cherchais ce que la mer avait déposé et je savourais ce plaisir simple lorsque je trouvais quelques beaux spécimens de coquillages.

La plage était presque déserte. Un couple emmitouflé avait fait d’un tronc de bois un banc de fortune et le chien ivre de cet immensité s’amusait, sans mesure, avec une pomme de pin égarée.

A cette joie-bonheur, je me laissais toute entière face au grand large.  Seul comptait l’instant et   l’heure, ainsi,  s’égrenait.

Une voix  surprit mes rêveries et mon errance :

    -‘’Alors on cherche des trésors ?’’

Je le regardai.  Il n’était pas grand. Le capuchon d’un manteau trop large, gris et râpé, lui couvrait la moitié du visage ; seule une bourrasque de vent m’en dévoilait, par à coup, son contour.  Les empreintes, bien visibles, d’une varicelle ancienne lui éclaboussaient une partie et, pour couronner le tout, une large tâche de lie de vin lui mangeait le côté gauche de la face.  Un sac, descendant de l’épaule, lui cachait les mains.

D’où avait-il surgi ?, peut-être des Tours de Notre Dame de Paris .

Je constatai, rapidement, qu’autour de nous, la plage était déserte ; seul un groupe imposant de mouettes prêtes à l’envol , nous guettaient.

Décidément, je ne changerais jamais,  l’espoir d’une belle découverte m’ordonnait d’aller de plus en plus loin et voilà, j’étais bel et bien seule avec cet inconnu.

En riant pour cacher ma vague inquiétude, je répondis affirmativement: 

        Moi aussi dit-il !

A cet instant, sa main, couverte d’une mitaine, plongea dans le sac et , heureux, il me montra sa récolte de coquillages ,tout à fait, ordinaires.

Je fis de même.  Émerveillé de mes découvertes, je vis dans son regard, un court instant, l’envie de les posséder.

Je le saluai et,  un peu trop rapidement,  lui formulai mes bons vœux.

Nous repartîmes chacun de notre côté, lui continuant sa balade, moi rebroussant chemin.

Mais voilà que mon désir de faire plaisir se dit insatisfait et je culpabilise !  Je vais l’appeler, offrir ce que la mer m’a laissé.  Je me retourne.  Mais déjà ses pas, les miens nous avaient séparés deux fois trop vite.  Seul, l’horizon devenu gris me renvoyait une tâche sombre dans le lointain.

La fin du jour naissant, mains en poche,  jouant, caressant les carcasses de mollusques, je me hâtai vers l’âtre où les miens, pas trop inquiets, m’attendaient.

C’est ainsi, que je fis la connaissance du majordome !.

De quelle riche famille était-il majordome ? Pourquoi l’avait-on nommé ainsi ?  Ces deux questions allaient me mener dans une recherche avec un aboutissement insoupçonné .

Mon coin de paradis, l’été, offrait son havre de paix aux mal-aimés, aux stressés des villes, aux blessés du chômage, aux épuisés du travail, aux simples amoureux de la nature, aux insatisfaits des questions-réponses toutes faites.  Se trouver là, au milieu d’un bonheur simple, redécouvrir le chant des oiseaux mêlés aux rires des enfants, zigzaguer sur les sentiers, en vélo ou se balader, nu au soleil, attiré par les sirènes du large, laisser les rides de son corps et de son âme se détendre au rythme lent du tai chi  ; dans la nudité, épouser la vague sans interdit et redevenir l’enfant que l’on avait emprisonné au nom de la comédie à jouer parmi les gens sérieux . 

Et ce temps trop court vécu intensément, le petit monde ragaillardi, la tête pleine d’images, de sensations douces et fortes, reprenait la route encombrée  afin de se réhabituer au stress, à l’agression d’une vie soi-disant réussie.

Le calme doucement  reprenait possession du lieu.  Des chats ‘’ oubliés’’ par des vacanciers, erraient de ci-delà, en quête de nouveaux maîtres et de pitances.  Les oiseaux non farouches en faisaient les frais.

On pouvait penser, que les chalets étaient déserts et attendaient le prochain weekend  pour recevoir à nouveau des locataires ;  mais le coin avait ravi certains et plusieurs étaient devenus, tout simplement, des veinards de propriétaires et en avaient fait leur résidence à l’année.  

    *     *     *     *

 

      6 mois avaient vieilli mes ans et renouvelé l’été.  Avec lui, mon « paradis », une fois de plus, retrouvait l’empreinte de mes joies sans cesse renouvelées  au cours de mes précédentes de vacances.

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  Ce soir, le vent chargé des senteurs libérées de la chaleur du jour, m’invite à la redécouverte du site.

  Sans but précis, au gré de ma fantaisie je pars, les idées sans consistance, certaine de retrouver les mêmes ambiances, les mêmes chemins.

J’emprunte un sentier oublié des vacanciers,  il  mène aux limites du village et par de là, seule la forêt séparée par un large pare-feu est présente.  Il me conduit vers un îlot de chalets.  Dans la naissance de la nuit, je les distingue, ils sont là depuis la création de « mon paradis » ; leur isolement en fait tout le charme et d’année en année, les mêmes amoureux solitaires, pour un temps y séjournent. 

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 Une atmosphère insolite vient perturber ma promenade.  Pareille aux ombres chinoises, leurs masses sombres se découpent dans le bleu royal du ciel ; je m’y approche et, incrédule, je constate que non seulement le firmament scintille mais que des étoiles à 5 branches fixées aux toits, orientées plein sud, illuminent le nord !  Je dois rêver !  Quelques lunes ont tourné autour de la terre depuis le 25 décembre ! Il y a peu, le jour le plus long s’était assoupi.

 

     Tout paraissait calme, seule une douce musique descendue des sphères, s’échappait des volets clos.  Elle harmonisait la fraîcheur du vent et la douceur du soir, invitant, celui qui l’écoute, à la relaxation.

 

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    Qui donc séjournait dans ces demeures ?

 Brusquement, la rencontre  peu ordinaire, faite lors d’une promenade de fin d’année, s’imposa à ma mémoire ; le majordome à la démarche particulière se dirigeait vers un battant de porte mal fixé.

En cet instant, je ne veux plus être indiscrète ; je prends la destination du retour en hâtant la marche. Le vol bas d’une chauve-souris m’accompagne et la fraîcheur de la brume m’enveloppe.  Un hululement de chouette lointain s’impose avec régularité aux bruits s’éveillant dans la forêt.

    Je retrouve Daniel comme je l’avais quitté une heure plus tôt, assis confortablement sur la terrasse, plongé dans un des romans policiers de Fajardie un de nos auteurs préférés dans le genre.

2010 La Jenny

 

–         « Tu devrais le lire, il va te plaire ce polichinelle mouillé !

 

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S’il est de la même trempe que les autres, il ne se trompe pas !

 

A Bientôt pour la suite … Bon week-end

11 réflexions sur « UN PETIT COIN DE PARADIS – »

  1. De belles photos comme tu sais les réussir et surtout un texte rempli de mystère et qui retient l’attention du lecteur. Il règne dans ce texte une étrange sensation bien décrite par la façon dont tu parles de l’environnement, de la nuit tombé, des animaux qui l’accompagnent et de ce que tu suggères.
    Ces maisons, ce majordome que tu n’as pas oublié, ces étoiles et cette musique mettent en évidence cette impression de secret et d’énigme qui pèse sur le texte.
    Et toi, qui ne cède pas à la curiosité trouve le moyen de terminer par une histoire de roman policier qui nous laisse penser que cette nouvelle va se dérouler comme un de ces écrits. Bien vu Josy.

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  2. Bonsoir Josy,
    cela fait quelque temps que je ne lis plus, mes journées passent tellement vite avec tout ce que j’ais à faire que je n’ais plus le temps de lire, je note le tître on ne sait jamais je trouverai peut être un peu de temps, que je passe le plus claire de celui-ci à espionner les animaux de ma belle campagne,
    Je te souhaite un bon week end, chez moi cela vat être mitigé entre soleil et nuages, et à partir de mardi la pluie vat faire son retour,
    gros bisous amicaux de normandie.

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