le tableau du samedi, initié par Lady Marianne et poursuivi par Lilou et Fardoise
Pourquoi avoir choisi ce tableau de Dagnan-Bouveret, Une noce chez le photographe ?
Lilou fêtera ses 51 ans de mariage ce mois …et moi mes 60 ans de mariage !
Pascal Dagnan-Bouveret, né à Paris le 7 janvier 1852 et mort à Quincey, dans l’agglomération de Vesoul, le 3 juillet 1929
Elève de Gérôme et de Corot, il débuta au Salon en 1875. Influencé par Bastien-Lepage, il exposa jusqu’en 1929. Portraitiste de l’aristocratie parisienne. Actif à paris.
Une noce chez le photographe, 1878-1879
Peinture versus photographie
Le premier élément de réponse tient au caractère naturaliste de cette toile. A la manière d’Émile Zola dans les Rougon-Macquart, l’artiste ancre cette image dans son temps et nous raconte la réalité de la vie de ces personnages. La photographie est une invention de ce siècle, et était très à la mode à ce moment-là. En nous montrant les mariés dans un studio de photographie, il nous renseigne aussi sur leurs moyens financiers, puisque cette pratique était encore loin d’être accessible à tous.
Mais surtout, il faut se rappeler de la concurrence qui était née entre peinture et photographie. Car comment rivaliser avec un mode d’enregistrement plus rapide, fidèle à la réalité, et moins cher ? L’artiste répond à cette question dans ce tableau. On remarque que le photographe devient anonyme et réduit à sa fonction : il n’est là que pour enregistrer la scène. Sa position dans la pièce montre bien qu’il ne témoignera que d’une partie de ce qu’on voit. Le peintre lui, l’englobe dans son ensemble. En plus de faire figurer tous les personnages présents, il choisit de représenter un instant très précis, comme s’il avait capturé l’action en une seconde. Cela non plus, l’appareil photographique n’était pas encore capable de le faire, puisqu’un long temps de pose était encore nécessaire. Les images étaient également bien moins détaillées qu’aujourd’hui.
… « Il concurrence donc clairement cette technologie en proposant un foisonnement de détails, ce qui l’ancre encore dans le naturalisme. C’est un studio de photographie réaliste qu’il nous propose : parquet abîmé, verrière aux rideaux régis par un système de cordages minutieusement reproduit, et même pancarte précisant aux clients de bien effectuer un dépôt en posant.
L’exécution des tenues, des accessoires des personnages et de toutes les matières présentes est tout aussi précisément exécuté. On sait d’ailleurs qu’il avait passé du temps dans un studio de photographie pour être le plus réaliste et exact possible dans son travail. C’est finalement par son travail des couleurs qu’il assène le coup de grâce à la photographie. Il propose au spectateur une grande variété de coloris, travaillés tant dans le décor que sur les tenues des personnages. Face à cela, un cliché en noir et blanc faisait difficilement le poids.
Avec cette toile, Dagnan-Bouveret nous montre donc bien plus que de simples « noces chez un photographe ». On peut d’abord y voir une critique amusante et discrète de la petite bourgeoisie parisienne, qui suivait les modes de la capitale. Mais finalement, c’est surtout une mise au défi de la technique photographique que le peintre nous propose, posant la question cruciale de la concurrence entre peinture et photographie au XIXe siècle ».
1 Notamment dans L’art moderne d’Huysmans en 1883.